Joséphine Mandeng est directrice administratif et financier d’Alternatives Cameroun. Celle qu’on appelle « Jo » et qui se dit « femme de sexe et homme de genre » sera cette année à Solidays pour présenter le combat de la cause LGBT dans un pays où l’homosexualité est un délit.

Quel est le sort d’une personne homosexuelle au Cameroun ?

Je vais prendre mon cas. Quand j’ai découvert mon orientation sexuelle, je me suis tout de suite cachée en me disant que je n’étais pas normale. C’est une chose qui ne doit tout simplement pas exister, c’est diabolique, interdit, puni. Puis, quand j’ai osé le dire, j’ai perdu de manière brutale tous ceux qui m’aimaient. Ma famille m’a mise en quarantaine puis jetée dehors et mes amis m’ont laissée tomber. Tout mon passé a disparu. Je me suis retrouvée toute seule.

J’ai compris que j’étais normale et que j’avais enfin trouvé ma place. 

Puis tu as découvert l’association Alternatives Cameroun…

Quelqu’un m’en a parlé et j’ai été assisté à une réunion. J’y ai vu des gens comme moi, mais surtout des personnes qui assument ce qu’elles sont, qui s’acceptent. J’ai compris que j’étais normale et que j’avais enfin trouvé ma place. J’étais la première femme à rentrer dans l’association et, depuis, j’ai fait en sorte qu’on en intègre d’autres afin de pouvoir mener un combat pour tout le monde.

Ce combat justement, quel est-il au quotidien ?

D’abord montrer l’exemple. Je suis masculine de la tête aux baskets et je sais que quand des jeunes viennent à l’asso et me voient, ça leur donne de l’espoir. L’espoir de pouvoir vivre comme ils veulent. Sur le terrain, on va à la rencontre de groupes de filles et on les écoute. On parle un peu de tout, de violence, de santé, d’amour… On en profite pour les sensibiliser, faire de la prévention sur le VIH. On accueille aussi celles et ceux qui sont mis à la porte par leurs familles, on essaye de leur trouver un logement, on les accompagne, on tente une médiation. Plus largement, on essaie de faire bouger les mentalités.

Des personnes vivent, ont de l’espoir grâce à Solidays. 

Et vous obtenez des résultats ?

C’est très compliqué. Ici, depuis 2016, l’homosexualité est condamnée. Il y a peu, 28 personnes ont été dénoncées et arrêtées à Yaoundé, avec des peines de 6 mois à 5 ans de prison. C’est un peu désespérant. On continue de subir, tous les jours, les représailles et les insultes, ça nous tue mais personne n’en parle. Alors je me dis qu’il y a encore beaucoup à faire.

C’est ce que vous venez dire cette année à Solidays : le combat doit continuer ?

On vient dire qu’on est encore là, qu’on a besoin d’aide. Mais surtout, on vient dire « merci ». Dire aux festivaliers, aux bénévoles, que ce qu’ils font en participant à Solidays a des répercussions ici, en Afrique. Des personnes vivent, ont de l’espoir grâce à Solidays.