À 20 ans, Karl voulait s’engager auprès d’une asso. Un peu par hasard, ça a été Solidarité Sida. La découverte de la lutte contre le sida et des valeurs portées par l’asso l’ont amené à s’investir toujours plus. Il nous raconte cette aventure débutée il y a maintenant 11 ans.

Bonjour Karl, peux-tu te présenter rapidement ?

Je suis Karl, j’ai 32 ans et je suis régisseur lumières. Je cumule d’autres activités : je fais un petit peu de formation, sur certains projets je suis comédien et je suis bénévole à l’association depuis 2005.

Comment a commencé pour toi l’aventure à Solidarité Sida ?

C’était via une amie, comme pour beaucoup de bénévoles. Elle avait fait Solidays et nous avait motivés, moi et d’autres amis, à nous engager comme bénévoles pour l’édition suivante. On avait 20 ans et on s’est inscrits juste avant le festival. Sur la feuille d’inscription, j’avais vu qu’ils cherchaient également des bénévoles pour le montage et le démontage et comme je travaillais déjà un peu en régie autour du spectacle, plus théâtre et pas trop musique/ festivals, cela m’intéressait de voir comment cela se passait. Je me suis donc inscrit tout seul sur ces parties-là car les autres n’étaient pas disponibles.

La cause te touchait particulièrement ?

Au départ, pas spécifiquement. Cela faisait longtemps que je me disais que j’aimerais m’investir auprès d’une asso, mais sans arriver à faire le choix de lutter pour une cause plutôt que pour une autre. Cela me paraissait tellement vaste qu’au final, je ne faisais rien. Cela a répondu à une curiosité, à une envie que j’avais de m’investir dans quelque chose sans que ce soit une cause bien définie. J’ai ensuite découvert ce que faisait Solidarité Sida et c’est comme cela que je me suis impliqué, beaucoup.

11 ans de bénévolat, cela a consisté en quoi ?

C’est toute une histoire (Rires). J’ai vu tous ces jeunes se bouger pour une cause. C’est quelque chose qui parle à cet âge-là, en tous cas, moi ça me parlait. Et surtout, cela m’a fait découvrir la lutte contre le sida, comment on pouvait la traiter, s’en emparer pour essayer de faire avancer les choses. Dès l’année d’après, je suis rentré dans le pôle Prévention, après avoir réussi de justesse mes entretiens (Rires). À partir de là, je me suis énormément impliqué : j’ai participé à des formations, des actions… Petit à petit l’histoire s’écrivait sans que je l’anticipe et sans que j’ai prévu de m’inscrire dans cette cause-là initialement. Je me suis ensuite présenté aux élections pour devenir membre du conseil d’administration en 2009 et je suis toujours en place ! Je me suis également beaucoup intéressé à l’aspect Programmes qui finance des projets d’aide aux malades, car Solidarité Sida fait aussi appel à des bénévoles pour des missions à l’association. J’ai ainsi participé à l’instruction de dossiers de réponse à l’Appel à Projets International. C’était une tâche plutôt administrative, mais qui m’a permis d’être en lien direct avec les acteurs et les réalités sur le terrain, notamment en Afrique, et de mieux comprendre la nature des relations qui sont nouées avec nos partenaires. C’est un aspect de la lutte contre le sida qui m’a toujours intéressé.

Tu es même parti en mission en Afrique avec Solidarité Sida ?

En effet. Mon investissement a été grandissant au point que j’ai eu envie de le prolonger dans ma vie personnelle, même au delà de la lutte contre le sida puisque j’en ai fait un projet. J’ai arrêté mon activité le temps d’une formation de 9 mois de logisticien humanitaire. J’ai préparé ce projet pendant 3 ans. Pendant cette préparation, j’ai eu l’opportunité d’accompagner l’équipe de Solidarité Sida dans une mission au Rwanda et en République Démocratique du Congo, au titre de mon mandat d’administrateur. Cela m’a fait prendre conscience concrètement de la réalité du terrain et m’a conforté dans mon envie de travailler auprès de ceux qui en ont le plus besoin. Je suis ensuite parti en mission avec Médecins sans frontières en Haïti, en tant que logisticien hôpital. Grâce à cette première mission avec eux, pour laquelle les recrutements ont été assez sélectifs, j’ai la possibilité de pouvoir envisager de repartir sur une nouvelle mission si l’envie me reprend. J’accompagne enfin une autre asso qui s’appelle « Clowns sans frontières » pour laquelle je suis parti 2 semaines en mission logistique à Calais, où nous avons fait le tour des camps de réfugiés pour le Nouvel An. Ce sont les applications concrètes que j’ai eues sur le terrain en humanitaire et il n’est pas exclu que je reparte un jour ailleurs.

Depuis 10 ans, tu es toujours bénévole Prévention à Solidarité Sida ?

Tout à fait. Et comme je suis comédien dans une compagnie, j’ai pu également animer des Après-Midis du Zapping, en duo avec des permanents. Récemment, je n’ai pas pu faire beaucoup d’actions de prévention par manque de temps, mais depuis 2 ans, je fais partie du comité de répartition des fonds de l’Appel à Projets International que Solidarité Sida lance chaque année. L’association trouvait pertinent qu’un bénévole prévention depuis 10 ans, devienne instructeur auprès d’autres experts de la lutte contre le sida.

Quel est le rôle de ce comité ?

L’idée est d’instruire les demandes de financement que soumettent les associations : chaque projet est analysé à la fois par un permanent de l’équipe Santé & Solidarité et par un bénévole recruté dans le comité pour son expertise du terrain et sa connaissance du secteur : certains sont médecins, d’autres responsables de structures d’aide aux malades, salariés d’autres bailleurs de fonds ou encore consultants internationaux. La décision de financer un projet ou un autre n’est pas facile à prendre, d’où l’intérêt d’en discuter tous ensemble et de prioriser les dossiers au regard de la qualité des activités proposées et du dossier en tant que tel, de l’impact des actions sur les populations visées  et de nos priorités d’intervention (prévention auprès des jeunes et soutien aux populations les plus vulnérables au VIH/sida, ndlr : les usagers de drogues injectables, les travailleur.se.s du sexe, les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, les détenu.e.s, les trans et les migrants). En fonction de l’enveloppe que nous avons à redistribuer, nous pouvons nous permettre d’intégrer de nouveaux projets ou devons au contraire faire de difficiles arbitrages. L’objectif est d’être le plus juste possible et de soutenir des projets sur les territoires qui en ont le plus besoin. Depuis 2 ans, nous sommes présents dans les pays de l’est et dans la zone Maghreb où l’épidémie fait rage. Toutes les décisions sont prises en comité, réunion d’1 jour et demi puis validées par le conseil d’administration de Solidarité Sida. C’est ensuite l’équipe des Programmes Santé & Solidarité qui suit toute l’année les associations partenaires et évaluent les actions soutenues.

Et à Solidays, quelles ont été tes missions sur la dernière édition ?

Sur les deux dernières éditions, j’ai été coordinateur « sens », c’est à dire à même d’apporter un support aux équipes « Sex In The City », « Village Solidarité », « Forum Café », « Patchwork des noms ». Il s’agit de toutes les équipes qui sensibilisent les festivaliers à la lutte contre le sida ou plus généralement aux questions de solidarité. Au delà de cela, je suis impliqué en binôme avec Julie, une salariée de l’asso, sur l’organisation de « La Cérémonie contre l’Oubli » (ndlr : anciennement « La Cérémonie du Patchwork des Noms »). Il s’agit d’un moment de recueillement du festival où tous les concerts s’arrêtent. Avec l’association des « Amis du Patchwork des Noms », nous lisons les noms de victimes du Sida récemment décédées. C’est une façon de rendre hommage aux disparus. Julie prépare en amont le déroulé de la cérémonie et nous sommes ensemble chargés de la logistique et de la mobilisation de bénévoles, militants et personnalités pour lire des noms sur scène ou au milieu des festivaliers pour déployer des patchworks réalisés par les proches des malades. Je m’occupe particulièrement de la partie « technique » en faisant le lien avec la régie son/vidéo.

Qu’est-ce que cela t’apporte d’être bénévole depuis 11 ans ?

Avec mon métier je travaille aussi dans des associations culturelles, des compagnies de théâtre principalement, et cet engagement associatif est capital. Pour moi, c’est un peu la résistance du jour. C’est un positionnement politique de se dire que non, on n’est pas d’accord pour se laisser bercer gentiment par un système, et que notre façon d’agir, de résister, c’est l’engagement associatif, en participant à des projets de gens qui veulent faire et en se mettant au service de ces projets-là. C’est un positionnement vis-à-vis de la société actuelle. Pour moi, ce n’est pas possible autrement. Je me suis aperçu récemment que tout ce que je fais est lié à l’économie sociale et solidaire. Je me projette à 60, 90 ans, en me disant : « Quand t’avais 20, 30 piges, la société était comme ça, l’histoire et le contexte politique étaient comme ça, où tu te positionnais et qu’est-ce que tu regrettes de ne pas avoir fait ? ». Quand j’étais un peu plus jeune, je me posais l’équation comme cela : « Tu fais quoi ? Tu es où ? ». Aujourd’hui, c’est devenu une habitude d’être dans ces sphères-là, mais au début pour y rentrer ce n’est pas forcément une évidence. Dans un moment où l’on a peur des extrêmes, où l’on se dit qu’il n’y a plus de solidarité en France, que nous sommes dans un contexte difficile, je trouve cela dommage que l’on ne mette pas en valeur tout ce secteur associatif, ce combat de la jeunesse.