Chaque année, les fonds récoltés à Solidays permettent à Solidarité Sida de mettre en place des actions de prévention et de soutenir les malades dans plus de 20 pays. Plusieurs fois par an, l’équipe du service Programmes Santé & Solidarité de Solidarité Sida part en mission pour rencontrer les associations partenaires soutenues. Avril revient d’une mission au Maroc. Elle nous raconte.

Bonjour Avril, tu reviens d’une mission au Maroc. C’était une première fois pour Solidarité Sida ?

Il s’agissait en effet d’une première mission de suivi de projets, mais il y avait eu des missions exploratoires auparavant.

Peux-tu nous expliquer pourquoi Solidarité Sida a décidé de travailler avec des associations partenaires au Maroc ?

Le Maghreb et le Moyen-Orient sont des régions où l’épidémie de VIH explose, là où on arrive à la stabiliser en Afrique subsaharienne. Le Conseil d’Administration de Solidarité Sida a donc décidé depuis 3 ans de développer nos partenariats dans cette zone.  Aujourd’hui, nous finançons dans le cadre de notre Appel à Projets International, les activités de 5 associations marocaines, d’une en Algérie et en parallèle, nous avons lancé cette année un nouveau Programme : le Programme MENA* qui soutient des  projets dans 3 pays : le Maroc, le Liban et la Tunisie.

C’était donc la première fois que tu rencontrais ces associations sur place. Peux-tu nous en dire plus ?

J’ai d’abord rencontré l’ALCS Marrakech, partenaire du Programme MENA. Nous soutenons en particulier un centre de santé sexuelle destiné aux  Hommes ayant des relations Sexuelles avec des Hommes (HSH). Je suis ensuite allée à Tanger pour suivre les actions menées par l’association 100% Mamans, qui gère un foyer proposant tout un panel de services pour les mères célibataires ou les femmes qui ont eu des enfants hors mariage, très stigmatisées au Maroc. Et enfin, j’ai rencontré l’association Hasnouna qui a un centre de réduction des risques auprès des usagers de drogues.

100% Mamans et Hasnouna étaient à Solidays l’année dernière il me semble ?

En effet, c’était le début de notre collaboration et nous essayons de faire venir les nouveaux partenaires au festival pour qu’ils viennent témoigner de leurs combats. Mais c’était la première fois que nous les rencontrions sur le terrain.

Concrètement, en quoi a consisté ta mission ?

C’était une mission très intéressante puisque ces trois associations travaillent sur des thématiques très différentes. La particularité de l’ALCS Marrakech est qu’ils fonctionnent avec des salariés communautaires. Sur le programme HSH, tous les salariés sont donc eux-mêmes HSH. Certains étaient bénéficiaires du centre avant de devenir agents de prévention ou conseillers psycho-sociaux. Ils suivent à l’heure actuelle au centre 665 bénéficiaires. C’est une première pour l’ALCS qui a des sections dans toutes les grosses villes du Maroc, mais il n’y a qu’à Marrakech que ce programme orienté HSH existe. L’ALCS souhaite le mettre en place dans trois autres villes importantes du Maroc prochainement. Il s’agit donc d’un centre-pilote. L’équipe est très sympathique et était ravie de découvrir Solidarité Sida. J’ai eu beaucoup de questions sur nos activités. Un des agents de prévention sera présent à Solidays cette année.

Ensuite avec 100% Mamans, c’était très instructif car quand j’y étais, il y avait 13 mamans de 16 à 30 ans dans le foyer, une quinzaine de bébés en pouponnière et au moins 25 enfants à la crèche. On voit que l’association répond à un vrai besoin. L’association fait de la prévention auprès de ces mères célibataires car certaines, compte-tenu de leur situation, se prostituent pour vivre. Il est donc important de les sensibiliser aux risques qu’elles prennent vis à vis des IST et du VIH. D’autres ont été dépistées séropositives pendant leur grossesse, au moment où elles ont été prises en charge par le foyer. En parallèle aux actions de prévention, l’association fait aussi et surtout de l’appui juridique pour faire reconnaître l’état civil des enfants, parfois également auprès des mères car certaines se sont enfuies de chez elles et n’ont plus de papiers. Il peut également s’agir de porter plainte si l’enfant est né dans le cadre d’un viol. Par ailleurs, le volet social comprend des séances de sensibilisation, des échanges individuels avec un psychologue et de la médiation avec les familles pour essayer de renouer les contacts et de faire en sorte que les mères célibataires qui ont été mises à l’écart puissent regagner le foyer. Enfin, un 3ème volet de leur action concerne l’insertion professionnelle. 100% Mamans propose d’ailleurs directement des ateliers de formation : alphabétisation, restauration-traiteur, confection de bijoux, couture. Depuis peu, 100% Mamans accueille aussi des femmes migrantes. Quand j’y étais, la moitié des femmes que j’ai vues à l’atelier restauration-traiteur étaient ivoiriennes et congolaises.

Enfin, j’ai rencontré Hasnouna dans le cadre d’une mission commune avec Vincent Bastien de la plateforme ELSA, sur le thème de la capitalisation, pour qu’ils valorisent leurs pratiques, et plus particulièrement leur travail de rue auprès des usagers de drogues. L’objectif était de les former à la méthodologie. J’étais présente pour voir comment les choses se passaient et ce qui ressortait de ces échanges. J’en ai profité pour visiter leur centre d’addictologie à Tanger, semblables aux CAARUD (Centre Accueil et d’Accompagnement à la Réduction des risques pour le Usagers de Drogues) français. Solidarité Sida finance initialement la prise en charge de 80 usagers, mais en 2016 Hasnouna a réussi à soutenir 120 usagers grâce à notre subvention. Beaucoup de ces usagers sont infectés par l’Hépatite C et il s’agit là encore de faire de la prévention concernant l’usage de drogues, mais aussi les risques liés à la prostitution car certains y ont recours pour se payer leurs doses. Le centre leur fournit des seringues et pour ceux qui le souhaitent des traitements de substitution (méthadone). Enfin, Hasnouna propose un parcours de réinsertion et des ateliers pour retrouver l’estime de soi à travers le dessin, la peinture, la musique, le théâtre… Ils font un énorme travail avec le médecin et le psychologue auprès de ces usagers. Pendant l’atelier de capitalisation, l’équipe était hyper motivée. Certains sont pairs-éducateurs, à savoir issus de la communauté des usagers de drogues, d’autres sont salariés, travaillant dans cette association depuis sa création et extrêmement impliqués. Les échanges étaient très intéressants entre les intervenants en rues, ceux qui travaillent sur l’insertion professionnelle, ceux qui sont sur l’aspect psy et médical. Depuis mon retour à Paris, j’ai constaté qu’un énorme travail avait déjà été réalisé suite à ces échanges.

Comment pourrais-tu résumer cette mission ?

C’était très intéressant de pouvoir rencontrer en 10 jours, 3 associations avec des profils d’individus et de projets très différents. On sent qu’au Maroc il y a des gros besoins car il y a d’importantes discriminations dans l’accès aux droits et aux soins pour les populations prises en charge par ces associations. Le Roi Mohammed VI semble s’impliquer auprès des usagers de drogues : c’est sa fondation qui a financé le centre d’addictologie à Tanger et il y a une vraie implication de la société civile avec des profils très militants et impliqués dans leur cause. Cela m’a fait du bien de rencontrer des personnes si engagées.

 

*MENA : Middle East North Africa