Comme chaque année, Solidarité Sida a convié à Paris des associations partenaires soutenues grâce aux fonds récoltés. Cette année, ils étaient 24 militants venant de 17 associations africaines et de la zone MENA (Middle East and North Africa – Moyen-Orient et Afrique du Nord).

11 pays au total étaient représentés : le Burkina Faso, le Togo, l’Algérie, le Sénégal, le Maroc, la Tunisie, le Cameroun, la République Démocratique du Congo (RDC), le Congo, la Côte d’Ivoire et le Liban.

Quelques jours avant Solidays, Serge de l’association Affirmative Action au Cameroun nous a parlé de son association et de ce que lui apporte cette venue.

Bonjour Serge, peux-tu te présenter rapidement ?

Je suis Serge et je tenais tout d’abord à remercier Solidarité Sida de m’avoir convié à Solidays. Je suis le Directeur exécutif d’Affirmative Action qui est une association basée au Cameroun à Yaoundé. Elle fait de la prévention et de l’accompagnement psychosocial des populations clés, notamment les Hommes ayant des rapports Sexuels avec des Hommes (HSH) et les travailleur.euse.s du sexe. C’est dans le cadre du projet avec les travailleur.euse.s du sexe que nous avons un partenariat avec Solidarité Sida.

Quand a été créée ton association ?

Affirmative Action a été créée en 2010. Aujourd’hui, nous avons une direction basée à Yaoundé, mais nous avons également 5 autres bureaux sur le territoire national : dans le grand nord, sur le littoral, dans le centre, dans le sud et dans le nord-ouest du Cameroun.

Peux-tu nous expliquer quelle est la situation épidémiologique au Cameroun ?

La situation est tragique pour les populations clés car rien n’avance. Il y a 5 ans, une étude a montré que 44% des HSH à Yaoundé et 24,8% à Douala étaient séropositifs au VIH/sida. 5 ans plus tard, cette étude a été reconduite et a montré que la situation n’avait pas vraiment évolué puisqu’à Yaoundé la prévalence est maintenant de 45,6% et qu’elle se situe toujours autour de 25% à Douala. Malgré tous les efforts qui sont consentis en termes de prévention, la situation n’évolue pas et on a l’impression que la lutte est vaine. J’ai le sentiment que le combat doit se mener autrement et que nous devrions peut-être commencer par travailler sur l’environnement et les conditions de vie des personnes homosexuelles pour comprendre le problème et lutter efficacement contre l’épidémie au sein de cette population.

Il s’agit de populations criminalisées au Cameroun ?

Absolument. En 2016, le Code Pénal a été revu et a entériné l’article 347bis : les personnes homosexuelles au Cameroun sont passibles d’emprisonnement. En plus de cette loi, il y a les comportements sociaux et le poids de la culture et de la religieuse. Encore beaucoup de prélats font des prêches qui tournent autour de la stigmatisation et du rejet des homosexuel.le.s. Les journalistes contribuent également à cet état d’esprit. Par conséquent, il y a un rejet très important de cette population au Cameroun.

Cela rend donc la prévention plus compliquée ?

Je pense en effet. Malgré  un grand nombre d’actions de lutte contre le VIH/sida qui sont mises en œuvre dont des dépistages, des distributions de préservatifs et de gels lubrifiants, et malgré la gratuité des traitements ARV au Cameroun, la situation ne s’améliore pas pour les HSH. Ceci est sûrement dû au fait que les questions de droits humains et de discrimination ne sont pas réglées.

Comment le partenariat entre Solidarité Sida et Affirmative Action a commencé ?

Comme beaucoup d’autres structures, nous avons vu l’Appel à Projets International qui concernait la prévention auprès des jeunes et les populations clés. À l’époque, nous venions de mener une Etude Santé Démographique du Cameroun qui répertorie dans toutes les provinces et régions, la prévalence exacte de chacune des populations. La prévalence chez les jeunes filles était très alarmante, notamment pour celles de la région du Sud, au croisement de 3 pays (le Gabon, la Guinée et le Congo) où il y a beaucoup d’activités commerciales et donc beaucoup de travail du sexe. Comme Affirmative Action avait déjà une expérience vers les populations clés et pas uniquement les HSH, nous nous sommes dit que nous devions faire quelque chose dans cette région. Au sein de l’association, nous avions d’ailleurs des volontaires venant de cette région et nous avons rédigé ensemble une demande de financement qui a été retenue, il y 2 ans. Ce projet s’appelle « Les Yoyettes du Sud » (« yoyette » en camerounais signifie « la jeune fille détendue, libérée ») et a pour objectif de sensibiliser les jeunes filles de la région du Sud et de les orienter vers les services de santé. La 1ère chose que nous avons faite dans le cadre de ce projet a été de réaliser une cartographie des points chauds où travaillent les prostituées et des services VIH et santé sexuelle reproductive qui existent sur la zone. Nous avons réalisé des dépliants informatifs qui expliquent où aller si l’on a pris un risque, mais aussi si l’on est victime de violences. Nous avons commencé ainsi, mais nous avons rapidement étendu notre zone d’intervention car nous avons de très bonnes relations avec les institutions du Sud.

Tu travailles dans cette association depuis combien de temps ?

Depuis sa création ! J’ai l’honneur de faire partie du petit groupe qui a créé Affirmative Action ! J’y ai commencé en tant qu’administrateur et je suis désormais Directeur exécutif.

Es-tu déjà venu à Solidays et qu’attends-tu de ces 3 jours ?

Non, c’est ma toute 1ère fois ! L’année passée, c’est mon collègue qui était là. Pour moi c’est un 1er contact avec ceux qui nous aident puisque c’est grâce à Solidays que nous pouvons mener notre projet . Je suis impatient d’échanger avec les festivaliers et ravi de rencontrer enfin les équipes de Solidarité Sida ! J’aimerais énormément organiser ce type d’événement au Cameroun pour financer la lutte contre le VIH. Cette venue sera forcément une très belle expérience et avant même d’arriver à Solidays. Les ateliers de plaidoyer et les activités auxquels nous avons participés qui m’ont déjà beaucoup appris. Affirmative Action est également très engagée dans le plaidoyer. Les partages d’expériences avec les autres associations, mais aussi avec Luc Barruet, le Directeur-Fondateur de Solidarité Sida, ont été pour nous très enrichissants et inspirants. J’ai pris beaucoup de notes et je vais rentrer avec de nombreuses idées.

Quel message aurais-tu envie de faire passer aux festivaliers ?

Je voudrais les encourager. Dans ce monde très individualiste, voir cet élan de générosité qui contribue à la lutte contre le VIH en Afrique et dans le monde est très précieux. Quand le sida recule en Afrique, c’est profitable pour le monde entier. Je voudrais leur dire de continuer à s’engager et leur dire « merci » car leurs actions ont un véritable impact sur le terrain. À des milliers de kilomètres de Paris, le fait qu’ils viennent à ce festival change des vies.