Depuis 3 ans, Sophie Florence, médecin généraliste et de santé publique, délivre une fois par mois une formation sur les connaissances de base sur le VIH aux nouveaux bénévoles de Solidarité Sida. Elle nous raconte l’importance de ces samedis matins.

Bonjour Sophie, peux-tu commencer par te présenter ?

J’ai 39 ans, je suis médecin généraliste et médecin de santé publique. Cela fait 6 ans que je travaille à la Ville de Paris, plus précisément  au centre médico-social (CMS) du Figuier qui dépend de la DASES (Direction de l’Action Sociale de l’Enfance et de la Santé).

Différentes activités ont lieu au CMS du Figuier :

  • Centre Gratuit d’Information, de Dépistage et de Diagnostic des infections par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), les hépatites virales et les infections sexuellement transmissibles (IST).
  • Permanences Médico-Sociales (PMS) qui sont des consultations de médecine générale destinées aux personnes en situation de précarité ou de vulnérabilité ou qui n’ont pas de couverture sociale.
  • Consultations médicales et infirmières de Vaccinations.
  • Consultations infirmières de dépistage à résultat rapide du VIH TROD (Test Rapide d’Orientation Diagnostique qui permet d’avoir un résultat en 30 minutes maximum. Il est totalement fiable trois mois après une prise de risque VIH).

Depuis 2 ans, je suis responsable médicale de ce centre.

Depuis la fin de mes études, tout mon parcours a été tourné vers l’accès aux soins. Avant de travailler pour la Ville de Paris, j’ai fait de la recherche, travaillé dans les PASS (Permanences d’Accès aux Soins). Ces thématiques m’ont naturellement conduite vers le dépistage et le VIH. Dans les consultations de dépistage, nous faisons du counseling, c’est une relation d’aide qui permet à l’autre de développer ses propres stratégies pour avoir une bonne santé. L’objectif est de changer les comportements autour de l’idée d’avoir plus de plaisir en prenant moins de risques. Nous sommes dans un système très curatif et il me semble indispensable de redonner un rôle majeur à la prévention. Nous utilisons tous les outils : les préservatifs, le dépistage, le TasP (Treatment as Prevention), la PreP (Prophylaxie Pré-exposition) et le TPE (Traitement Post-Exposition)..

Je suis très contente dans ce que je fais, que ce soit dans ces consultations de dépistage, la gestion du centre, le développement de projets pour coller toujours plus aux demandes des usagers et aux enjeux de santé publique, et via les formations que je fais pour Solidarité Sida. C’est une voie qu’il m’intéresse de développer car j’ai envie d’évoluer vers l’éducation à la santé. Il y a une loi en 2001 qui a été votée pour que l’ensemble des enfants scolarisés, dès le CP et jusqu’à la fin du lycée, aient au moins 3 séances d’éducation à la vie affective et sexuelle par an, or cela n’est pas du tout appliqué.

Comment es-tu arrivée à travailler avec Solidarité Sida ?

J’ai travaille pour l’EMIPS (Équipe Mobile d’Intervention et de Prévention Santé) qui est un service de la Ville de Paris qui assure des formations dans des collèges, des foyers, différentes manifestations ou auprès d’associations comme Solidarité Sida. J’ai remplacé le précédent médecin au CMS du Figuier et il m’a ensuite proposé de prendre sa suite pour animer les formations sur les connaissances de base sur le VIH proposées par Solidarité Sida aux nouveaux bénévoles. Cela fait maintenant 3 ans que j’assure ces formations, à raison d’une par mois. Et j’assure également la formation annuelle sur le VIH et les IST pour les bénévoles Prévention.

Peux-tu nous raconter comment se passent ces formations ?

L’idée n’est pas que les personnes présentes deviennent des acteurs de prévention mais qu’elles puissent, sur les événements sur lesquels elles interviennent pour Solidarité Sida, maîtriser les connaissances de base sur le VIH et, si besoin, orienter les personnes rencontrées. J’ai construit la formation à partir des informations que je donne en consultation. Pour résumer, c’est comme si je faisais une consultation, mais à 20 personnes d’un coup et que l’on prenait le temps d’aborder l’ensemble des sujets touchant au VIH. J’essaie de passer les principaux messages sur les données épidémiologiques, les populations clés*, les modes de transmission, les délais des tests et les outils pour la prévention.

Aux formations que tu donnes pour Solidarité Sida, tu as principalement des jeunes, quel est le constat que tu fais sur leurs connaissances du VIH ?

Ce n’est pas un constat que je fais en particulier à Solidarité Sida, mais plusieurs études montrent que bien qu’il y ait un niveau élevé d’information, des lacunes importantes et des clichés perdurent. Ces jeunes ont connu l’épidémie de VIH depuis qu’elle est moins visible, depuis l’existence des trithérapies, depuis que les gens ne meurent plus du VIH si le traitement est pris à temps et bien pris. Les actions de prévention sont moins régulières qu’avant.

Qu’est-ce que cela t’apporte de faire ces formations ?

Je trouve cela passionnant. Cela m’aide à travailler ma pédagogie : comment on transmet de l’information en trois heures, quels sont les meilleurs moyens, comment amener de l’interaction dans le groupe ?… C’est une fois par mois, ce n’est pas ma principale activité, mais c’est quelque chose qui m’intéresse vraiment. J’aimerais développer ces compétences. Je pense qu’il faut arrêter avec « le VIH pour tout le monde » car il s’agit d’une épidémie avec des publics cibles sur lesquels il faut intervenir, les HSH (hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes) et les personnes migrantes par exemple. C’est quelque chose qui est assez nouveau dans la communication et c’est donc important de le transmettre également dans ces formations.

As-tu eu l’occasion de venir à Solidays ?

L’EMIPS est présente sur le stand de la Ville de Paris. Je suis passée une fois, mais j’avoue que je suis surtout venue pour écouter de la bonne musique (Rires). Je n’ai pas eu le temps de visiter l’Expo Sex In The City, mais j’adorerais pouvoir le faire une prochaine fois.

La façon dont Solidarité Sida aborde la prévention en parlant de plaisir avant de parler de risques, c’est une vision dans laquelle tu te retrouves ?

Je pense que c’est fondamental et que malheureusement la prévention de ces dernières années, qui a été basée sur la peur du VIH, a été très néfaste. Aujourd’hui, il y a une réelle baisse de l’usage de la capote, en particulier chez les publics les plus jeunes, que j’explique par ces campagnes sur la sérophobie. La lutte contre la sérophobie, la mise en valeur des nouveaux outils, comme le TasP et la PreP, peuvent être des moyens de redorer cette prévention basée sur le plaisir.

 

*L’expression « populations clés » désigne les populations les plus exposées au VIH/sida. Souvent marginalisées, la stigmatisation sociale dont elles font l’objet alimente leur vulnérabilité au VIH, et inversement. Pour ne pas concourir à une stigmatisation encore plus forte que celle qui est déjà vécue, le terme de « populations clés » a remplacé celui de « population à risque » ou de « personnes vulnérables ». On entend spécifiquement par le terme « populations clés », les groupes de la population dans lesquels les taux de séroprévalence sont bien au dessus de ceux de la population générale : les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), les personnes trans, les usagers de drogues injectables, les professionnel.le.s du sexe et leurs clients, les personnes détenues ou incarcérées, les personnes en situation de handicap, les partenaires séronégatifs des couples sérodifférents et les travailleurs migrants ou toute personne à forte mobilité.