Il y a 5 ans, Romain Mege, alors Responsable académique du Département Génie Civil et Construction de l’École des Ponts ParisTech, se retrouvait embarqué dans l’aventure Solidays. 5 ans après, il n’arrive toujours pas à se passer de tout ce que le festival lui apporte comme challenges techniques et rencontres passionnantes et émouvantes.

Salut Romain, est-ce que tu peux commencer par nous dire quelques mots sur toi ?

Je suis Romain Mege et ça fait maintenant 5 ans que je travaille pour le festival Solidays, que j’aide sur la partie construction de structures importantes de l’exploitation. Cela correspond un peu à mon travail actuel. Je suis Directeur du Pôle Structure pour le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment. J’étudie tous les nouveaux matériaux de construction avant qu’ils passent dans le domaine commercial et qu’ils soient vendus à monsieur tout-le-monde, pour éviter qu’ils ne représentent des risques pour la sécurité des personnes et pour leur mise en œuvre. J’ai connu Solidays et Solidarité Sida quand je travaillais pour l’École des Ponts, dans le cadre d’un partenariat que l’ École avait à ce moment-là pour créer des nouveaux espaces sur le festival.

Comment s’est passée cette rencontre ?

C’est mon prédécesseur qui avait démarré ce contact. Rémi Bonin (Responsable Production de Solidarité Sida), sur la volonté de Luc Barruet (Directeur-Fondateur de Solidarité Sida), avait pris contact avec des étudiants pour qu’ils se lancent dans la réalisation du festival. Luc avait fait ça quand il était étudiant et il voulait qu’il y ait à nouveau la même démarche d’appropriation du festival par des étudiants. Il avait lancé un appel à toutes les écoles d’ingénieurs et d’architecture de Paris. Deux écoles avaient répondu : les Arts et Métiers et l’École des Ponts. Mon prédécesseur avait accepté parce qu’il trouvait que cela changeait de ce qu’on faisait habituellement. Il avait recruté un groupe d’élèves architectes/ ingénieurs, pour qu’ils conçoivent des espaces pour le festival, un peu comme s’ils participaient à un concours d’architecture. Je suis arrivé dans cette phase-là du projet, où les élèves avaient designé architecturalement des espaces, et les avaient vendus à Luc et à Solidarité Sida où un jury avait choisi les espaces les plus sympas. Il avait été décidé de faire un grand espace de 250m2 en forme de cacahuète, ce qu’on appelle un gridshell; une grille qui se déforme et qui fait une forme assez originale. Il n’y a aucun poteau au centre de cette structure et c’est là l’intérêt : cela permet de couvrir de grandes distances sans poteau au centre. C’était pour accueillir le Forum et donc la forme de cacahuète était assez intéressante puisque dans une première partie il y avait la partie Forum, et une deuxième partie accueillait l’espace dédicaces Fnac. C’était en 2011.

J’imagine que ça a été un peu le choc des cultures entre l’École des Ponts et Solidarité Sida ?

C’était assez étonnant, oui… Il faut imaginer le rapprochement entre une école d’ingénieurs, qui forme l’élite du génie civil ou du bâtiment et le milieu évènementiel, ou par exemple avec les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence. C’est un choc des cultures qui n’est pas inintéressant, et justement mon prédécesseur aimait bien que cela secoue un peu l’organisation. Et ça a marché parce que le projet était porté par des personnes qui avaient un respect mutuel. On se retrouvait aussi sur le fait qu’on aimait le travail bien fait. Même si c’est le monde du spectacle, dont on peut avoir une vision totalement fausse comme quoi ce serait des saltimbanques faisant du bruit, construisant un peu n’importe quoi au milieu du nulle part, en réalité le travail est très bien réalisé et très méticuleux. Chacun reconnaissait les compétences de l’autre.

Et la cause ?

La cause parlait beaucoup plus aux étudiants qu’aux enseignants. Pour les enseignants, c’était le fait de réaliser un projet qui n’avait jamais été réalisé auparavant, qui était à un stade de recherche dans le cadre d’un événement où il y aurait un public nombreux, qui était le défi à relever. Les élèves, eux, le faisaient parce que c’était la première fois qu’on leur donnait toutes les clés d’un projet, et en plus la cause faisait que dans les moments de doute, les moments difficiles, on se remettait en cause et on allait de l’avant. Pendant toute la réalisation du projet les élèves ne s’en rendaient pas compte. C’est au moment du festival, quand les gens rentraient dans la structure, qu’il y avait justement les messes des Sœurs dans l’espace que nous avions réalisé, Silent Disco, des témoignages, qu’ils ont pris pleinement conscience des enjeux… Nous avons continué à faire des projets avec Solidays et l’École pendant les deux années suivantes, plutôt pour l’espace Greencorner. Pendant les visites des représentants des associations africaines, il y a eu des moments d’échange assez forts au sein de l’espace et c’est dans ces moments-là qu’on se rendait compte de pourquoi on réalisait ça.

Et toi, tu as quitté l’école des Ponts mais tu as eu envie de continuer l’aventure à titre personnel ?

Oui, en effet. J’ai eu envie de continuer parce que ce sont des projets qui m’ont éclaté, j’ai rencontré des personnalités attachantes, d’ailleurs je reviens principalement pour ces personnalités-là. Ce sont des moments où je me détends, je n’ai pas l’impression de travailler, alors que je fais un travail que peu de gens au sein de l’association seraient capables de faire.

Et cette année tu travailles sur quoi ?

Cette année, je travaille sur une construction en palettes de bois, pour faire un Colysée romain qui accueillera peut-être Silent Disco. C’est assez intéressant, c’est un matériau qui est habituellemnt utilisé pour empiler des trucs ou pour être stocké dans des hangars, et là le fait de le détourner pour en faire une structure ça n’a quasiment jamais été fait et c’est un réel challenge. En plus il faut ne pas abimer les palettes pour qu’elles soient réutilisées par la suite – alors que ce serait très facile de les viser dans tous les sens et de les fixer au maximum –, il faut que la structure soit très légère, artistique mais réutilisable, démontable et à coût carbone neutre. Tout le défi des structures du festival vient du fait qu’il s’agit d’usages atypiques ; il faut les scénariser, brancher de la sonorisation, des éclairages, prévenir les mouvements de foule, tous les risques qui peuvent arriver… On n’est jamais à l’abri que quelqu’un décide de monter sur cette belle structure en palettes et ce serait dommage qu’elle s’effondre. On doit anticiper tous ces risques et faire en sorte que le gens soient en sécurité dans une structure belle et atypique et on se donne donc les moyens que ce soit le cas.

Cette année l’édition s’appelle Solidays Of Love, qu’est-ce que cela t’évoque ?

Cela me fait penser à ce que Luc disait : donner envie aux gens d’avoir envie de faire des choses. Je sais que j’ai une réelle attache pour ce festival ; je ne suis jamais allé dans des festivals de musique parce que mes études ne m’ont jamais amené à fréquenter ce genres d’endroits. Je l’ai découvert grâce à ces projets et j’y suis encore… Oui, il y a une véritable histoire d’amour entre Solidays et moi, c’est chouette !