Comme chaque année, Solidarité Sida a convié à Paris des associations partenaires soutenues grâce aux fonds récoltés. Cette année, ils étaient 24 militants venant de 17 associations africaines et de la zone MENA (Middle East and North Africa – Moyen
11 pays au total étaient représentés : le Burkina Faso, le Togo, l’Algérie, le Sénégal, le Maroc, la Tunisie, le Cameroun, la République Démocratique du Congo (RDC), le Congo, la Côte d’Ivoire et le Liban.
Quelques jours avant Solidays, Fabien de l’association SOS Sida en République Démocratique du Congo nous a parlé de son association et de ce que lui apporte cette venue.
Bonjour Fabien, peux-tu te présenter rapidement ?
Je suis le président du conseil d’administration de l’association SOS Sida qui œuvre en République Démocratique du Congo (RDC), dans le Sud-Kivu. Cette province est frontalière avec le Rwanda et le Burundi et vit une situation compliquée depuis le début du génocide rwandais en 1994 qui a entraîné d’importants déplacements de populations. En effet, la majorité des rwandais qui sont venus en RDC se sont installés essentiellement dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu. S’en est suivie la grande guerre de la RDC de 1996 où l’on a dispersé tous les réfugiés et chassé le président Mobutu du pouvoir en 1997. Puis Kabila a pris le pouvoir en 1997, mais en 1998 la guerre a repris avec le Rwanda et l’Ouganda et depuis lors le pays est dans un contexte sécuritaire très particulier et qui ne prend pas fin.
Peux-tu nous expliquer quelle est la situation épidémiologique en RDC ?
Elle évolue très très positivement avec l’engagement du gouvernement et des ONG dans la lutte contre le VIH/sida. Aujourd’hui la prévalence est d’environ 1%, c’est dire les grands efforts qui ont été faits depuis une décennie en termes de sensibilisation de la population, de distribution de préservatifs et aussi de traitements, notamment avec le Fonds Mondial qui a financé la mise sous ARV des personnes séropositives. Mais au-delà de cette situation, nous sommes quand même très très inquiets car aucun traitement pour les maladies opportunistes n’est pris en charge. S’ils veulent être soignés, nos bénéficiaires, même les plus pauvres, doivent donc payer. Nous notons également une baisse drastique des appuis dans le domaine du VIH en dehors du financement du Fonds Mondial et cela nous fait un peu peur. Il faut aussi dire que nous sommes dans une région qui a été essentiellement soutenue par les humanitaires depuis une vingtaine d’années et qui font preuve d’une certaine lassitude de ne pas voir la situation s’améliorer. C’est un danger car nous n’avons pas résolu tous les problèmes, les acteurs de développement ne sont pas au rendez-vous et donc le risque est de retomber dans une situation catastrophique sur tous les plans, comme nous en avons connue par le passé. Nous travaillons dans un contexte très compliqué où les guerres ont détruit un grand nombre d’infrastructures et où la pauvreté est endémique.
Depuis quand existe SOS Sida ?
L’association a été créée en 2002. Nous avons près de 15 ans d’existence, mais nous sommes vraiment opérationnels depuis 2006. J’ai commencé comme représentant de l’organisation à Nairobi où l’on a pris les 1ers contacts. Les autres ont commencé à travailler puis je suis revenu au pays en 2006 et j’ai pris les fonctions de chargé des programmes. En 2010, j’ai cédé mes fonctions, j’ai rejoint le conseil d’administration dont j’ai été membre pendant 3 ans et je viens d’en être élu président.
Comment le partenariat entre Solidarité Sida et SOS Sida a commencé ?
Nous avons créé SOS Sida suite au constat de manque de services pour les Personnes Vivant avec le VIH (PVVIH) en milieu rural. Lorsque nous avons commencé la sensibilisation dans les villages, nous nous sommes aperçus qu’il y avait des problèmes énormes, que de nombreuses personnes étaient en train de mourir du sida. À l’époque, seul MSF Hollande offrait les traitements ARV et ils ne disposaient que d’une seule clinique en ville pour toute une province. Nous avons rencontré MSF pour leur faire part de notre constat et du fait que loin de la ville des personnes mourraient. Ils nous ont répondu qu’il y avait des critères pour accéder aux traitements. À l’époque, le principal critère, outre le niveau de CD4, était le critère d’inclusion, c’est-à-dire être près du centre de traitement pour être suivi pendant les 3 premiers mois. C’était une des grandes exigences. MSF ne pouvait pas suivre ces personnes dans des zones à 20, 30 ou 40 km de la ville. C’est là que nous avons réfléchi et que nous avons contacté Solidarité Sida pour leur exposer le problème auquel nous étions confrontés. Nous avons proposé de monter un centre d’hébergement afin de pouvoir ramener les personnes des zones rurales à proximité du centre de traitement. L’idée était qu’elles y passent les 3 premiers mois, puissent recevoir leur traitement et être suivies sur le plan médical. Une fois que leur situation sanitaire s’était améliorée, elles pouvaient retourner dans leur village et revenir ensuite ponctuellement pour d’autres rendez-vous. Cela leur permettait de remplir le critère d’inclusion pendant les 3 premiers mois et de bénéficier de l’appui de MSF. Solidarité Sida nous a répondu que c’était une idée géniale et nous a demandé de travailler une proposition. En 2006, nous avons présenté le 1er projet d’avoir un centre d’hébergement pour les personnes vivant dans les zones rurales et infectées par le VIH, nous l’avons mis sur pied et nous avons commencé à amener des gens des villages. Les habitants de provinces lointaines ont appris cette nouvelle et sont venus aussi. Ce centre est donc devenu non seulement un centre d’hébergement, mais aussi un lieu de convivialité pour les PVVIH qui souffraient de discrimination au sein de leurs familles ou de leurs villages. C’était un lieu de repos pour eux où ils pouvaient partager leurs expériences et recevoir de l’amitié et du soutien. Nous sommes très fiers de notre travail et de ce centre qui existe encore aujourd’hui et où plus de 1 500 personnes sont passées. Mais nous nous sommes ensuite posé la question de ce que devenaient les personnes quand elles rentraient dans leur village. Nous avons décidé de mettre en place le groupe d’auto-support afin que des personnes d’un même village forment un groupe et que des conseillers de notre association et notre médecin puissent les suivre chaque mois, constater les difficultés auxquelles elles étaient confrontées dans leur prise de médicaments, les problèmes de stigmatisation auprès de certains médecins ou infirmiers. Nous nous sommes également interrogé sur la question du dépistage et de la prise en charge des enfants, car personne ne s’y intéressait : nous en suivons aujourd’hui 300.
Es-tu déjà venu à Solidays et qu’est-ce que tu attends de ces 3 jours ?
D’autres membres de l’association sont déjà venus, mais c’est la 1ère fois pour moi. Je voudrais prendre cette occasion pour dire aux bénévoles et aux festivaliers pourquoi ils se mobilisent. Que c’est grâce à leurs efforts que nous sommes en train de sauver des vies dans nos pays.
Quel message aurais-tu envie de faire passer aux festivaliers ?
Je voudrais leur dire : « Ne vous lassez pas d’être solidaires. La crise financière internationale a réduit de manière drastique les financements de la lutte contre le VIH/sida et si vous ne vous mobilisez pas, ce sera très difficile pour toutes les personnes qui vivent grâce à vous. Nous sommes très reconnaissants de ce que vous faites. Votre engagement produit des résultats, alors continuez à vous mobiliser avec Solidarité Sida. Nous sommes très fiers du travail formidable que nous avons réalisé grâce à vous et à l’association. Si nous n’avions pas été soutenus, je ne sais vraiment pas ce que seraient devenues les PVVIH des zones rurales. Nous sommes devenus aujourd’hui une organisation de référence, nous travaillons en lien avec les grands hôpitaux. Mais encore aujourd’hui, nous n’avons aucun matériel dans toute la province pour réaliser les bilans sanguins de suivi des patients et nous sommes obligés d’apporter les échantillons à Kigali au Rwanda car c’est plus proche et moins cher : il faudrait prendre l’avion pour aller à la capitale Kinshasa et cela coûte 650$. Les défis dans la lutte contre le sida sont aujourd’hui les problèmes de matériel pour contrôler la charge virale. Pour les pays africains notamment, le défis sont encore nombreux, alors ne cessez pas de vous mobiliser car le combat continue.».