Comme chaque année, Solidarité Sida a convié des associations partenaires, soutenues grâce aux fonds récoltés, à Paris. Cette année, il s’agissait d’associations africaines. Ils étaient vingt partenaires du Sud venus du Sénégal, du Niger, de Côte d’Ivoire, du Bénin, du Maroc, du Togo, du Cameroun et du Burkina Faso.

Matthew et Aude du service Programmes Santé & Solidarité de Solidarité Sida nous racontent cette venue.

Pouvez-vous nous raconter quels en étaient les enjeux et les objectifs pour Solidarité Sida et ces partenaires ?

Matthew : La venue des partenaires se fait dans le cadre de Solidays car nous voulons que les partenaires que nous finançons, en grande partie grâce à l’événement, puissent y participer et voir comment cela fonctionne. Tous les ans, nous invitons entre 20 et 30 personnes. Nous profitons de leur venue pour travailler avec eux sur un certain nombre de sujets qui varie en fonction de leurs besoins, mais aussi de nos besoins vis-à-vis d’eux. L’année dernière, nous avons pu augmenter notre enveloppe de redistribution et ainsi ouvrir à de nouveaux pays et à une dizaine de nouveaux projets. Solidays était donc une opportunité de rencontrer certains de nos nouveaux partenaires, mais aussi de revoir des partenaires qui n’étaient pas venus depuis un certain temps. Nous avons donc fait venir un groupe de 20 personnes issues de 10 associations : 4 anciennes et 6 nouvelles. Avec les partenaires de longue date, nous avons travaillé sur des points méthodologiques et notamment sur la formulation de leurs objectifs. Ce travail va leur permettre de mettre en relief, de façon plus évidente, les changements que leurs projets permettent de réaliser. L’intérêt est double : affiner le pilotage des projets mais aussi mettre en avant la valeur ajoutée du travail accompli auprès des bénéficiaires et de la société civile. Nous avons également travaillé, avec l’ensemble du groupe, sur le sujet des populations clés. Les populations clés sont les populations qui sont les plus vulnérables face au VIH du fait de leurs pratiques, à savoir : les personnes qui utilisent des drogues injectables, des personnes en situation de prostitution, des minorités sexuelles et notamment des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), des personnes migrantes et des personnes détenues. Cette vulnérabilité est aussi sociale : discrimination, stigmatisation, qui réduisent l’accès aux soins et à l’information. Tous nos partenaires travaillent avec ces populations ou souhaitent travailler sur ces thématiques. L’atelier reposait essentiellement sur un partage d’expériences. Au cours de la semaine, les partenaires ont pu échanger au sujet de leurs pratiques professionnelles et comparer les problématiques auxquelles les uns et les autres sont confrontés. Celles-ci dépendent bien sûr du contexte et du public accompagné ; les échanges étaient donc très riches. Ils ont permis aux partenaires de prendre du recul sur leurs actions, de nourrir leurs réflexions, mais aussi de renforcer certaines stratégies ou projets.

Quel était le programme que vous leur aviez réservé ?

Aude : Nous essayons d’optimiser au maximum le déplacement. Ceux qui sont arrivés le plus tôt ont passé une quinzaine de jours en France, pour les autres une dizaine. Dans le cadre de ces ateliers, nous avons organisé des rencontres avec des associations franciliennes, également soutenues par Solidarité Sida. Chacun des participants a pu aller à la rencontre de deux associations travaillant avec des publics particulièrement vulnérables. Cette courte immersion permet aux partenaires de mieux appréhender le contexte français et de (re)découvrir différents modes d’action. Certains repartent avec des nouvelles perspectives et idées en tête. C’est aussi un excellent moyen de mettre les structures en réseau : ils se contactent par la suite et poursuivent les échanges.

En parallèle, les partenaires avaient des rendez-vous de suivi de projets pour faire le point sur les avancées, les objectifs à venir, les éventuels ajustements, etc. Nous avons aussi organisé une rencontre entre trois associations partenaires et des bénévoles Prévention de Solidarité Sida afin qu’ils partagent leurs expériences et échangent sur leurs actions dans leurs pays respectifs. Par ailleurs, nous les avons conviés à une soirée « Paris by night », avec une sortie en bateau mouche et une visite de la Tour Eiffel, qui les a beaucoup enthousiasmés car une dizaine d’entre eux venait en France, voire en Europe pour la première fois. Nous avons aussi organisé un rendez-vous avec les bénévoles qui participent au montage du festival à Longchamp. Nos partenaires ont été très touchés du dévouement des bénévoles, de voir toute l’énergie que cela demandait en amont. Ils nous ont dit que cela leur faisait prendre conscience de la chaîne de solidarité qui les lie à ces bénévoles qui œuvrent pendant un mois dans des conditions pas toujours faciles. L’idée était aussi qu’ils expliquent aux bénévoles où allait concrètement l’argent récolté grâce au festival en expliquant les réalités, les difficultés auxquelles ils font face… Enfin, nous avons organisé une rencontre avec le Président de Solidarité Sida, Bruno Delport, et des membres du conseil d’administration.

Quel a été leur rôle sur Solidays ?

Matthew : L’un des enjeux est que nos partenaires participent aux messages de mobilisation sur le festival. Ils y ont participé de différentes manières : en animant le stand Solidarité Sida au Village Solidarité où ils échangent avec les festivaliers, en prenant la parole sur scène, avant des concerts, pour partager leur expérience, témoigner de leur vécu, parler de leur lutte au quotidien et passer des messages aux festivaliers sur l’importance de continuer la mobilisation et rappeler que des défis sont encore à relever. Pour eux, la prise de parole sur scène, face à des milliers de personnes, est toujours un moment un peu stressant donc nous les accompagnons dans la construction de leurs discours et nous faisons venir un coach qui leur enseigne différentes techniques oratoires : comment se tenir, vers où regarder afin qu’ils délivrent leur discours de manière efficace devant 30 à 40 000 personnes. Cette année, il y a eu le traditionnel Hommage aux Militants que nous avons animé avec Faada Freddy, et d’autres moments plus courts. Au total, nous avons organisé 6 prises de parole sur scène.

Aude : Certains partenaires ont aussi participé à des débats sur la scène Tipi, d’autres à la Cérémonie Contre l’Oubli. Ils ont été très touchés par ce temps de recueillement : certains ont lu des noms de victimes du sida ou déployé des patchworks. Nous leur avons aussi proposé de visiter l’exposition de prévention de Solidarité Sida, Sex in the City, qui les enthousiasme toujours beaucoup et qui est une source d’inspiration.

Matthew : En effet, les approches des partenaires dans le domaine de la prévention se concentrent souvent sur les risques et dangers de la sexualité, or notre approche chez Solidarité Sida est aussi axée sur le plaisir. Nous traitons le sujet du plaisir et du risque côte à côte, et c’est quelque chose qui interpelle beaucoup les partenaires. Voir que nous sommes dans une certaine promotion de l’épanouissement sexuel, qui passe par une liberté individuelle est quelque chose qui amène du relief à leur réflexion sur la prévention.

Aude : Et puis, il y a eu aussi certaines rencontres avec les médias, et avec des personnalités publiques. Par exemple, la Mairie de Paris – qui soutient la venue des partenaires à Solidays – a souhaité les rencontrer et participer à certains ateliers. Plusieurs partenaires sont aussi intervenus en live dans des émissions de radio. C’est aussi l’un des enjeux : parler du VIH et occuper l’espace médiatique pour lutter contre la banalisation de la maladie.

Comment ont-ils vécu le festival ?

Aude : Nous avons vu les partenaires le lendemain de Solidays pour un petit debrief et pour leur dire au revoir. Le bilan était positif. Ils ont été impressionnés par le festival et très fiers d’y avoir participé. Monter sur scène et partager ce qu’ils font sur le terrain avec les festivaliers les a reboostés. Et c’est aussi l’un des objectifs, qu’ils repartent chargés d’énergie pour poursuivre la lutte chez eux. Ils ont beaucoup remercié les bénévoles.

C’était donc Solidays of Love aussi chez les partenaires ?

Matthew : Cette année, nous avons eu le sentiment qu’il y avait eu une grande cohésion dans le groupe. Comme ils partagent des espaces de vie, d’hébergement, des ateliers, cela crée des liens entre les personnes qui perdurent souvent des années après. Ce sont des relations à la fois personnelles et professionnelles. Nous constatons que des relations de travail se créent, que certains vont s’écrire pendant des années, partager des projets, des réflexions. Pour nous c’est vraiment quelque chose de très fort, difficilement quantifiable mais facilement observable chez les différents partenaires.

Aude : Finalement, nous sommes là pour ouvrir la porte à cet échange.