Dépistage, prise en charge médicale et psychosociale, groupes de paroles, les associations togolaises partenaires de Solidarité Sida assurent un large éventail de services gratuits aux personnes séropositives de la région de Lomé. En octobre 2015, Sébastien Folin, Président du Fonds Solidarité Sida Afrique, les a rencontrées.

Peux-tu nous dire quelques mots sur les associations que tu as rencontrées au Togo ?

Lors de ma mission au Togo avec Julie Chambon, Adjointe au Responsable des Programmes Santé & Solidarité à Solidarité Sida j’ai rencontré quatre associations togolaises soutenues par le Fonds Solidarité Sida Afrique. La 1ère, AST, qui se trouve à Baguida, en proche banlieue de Lomé, travaille auprès des personnes séropositives et de leur entourage. L’association dispose d’un centre d’accueil médico-psychologique, où j’ai rencontré des médecins, le psychologue et assisté à un groupe de parole. Ce jour-là, c’était une discussion sur le droit de la femme de disposer de son corps et sur le consentement, à savoir comment cela se passe quand la femme n’a pas envie d’une relation sexuelle. Même si j’avais bien sûr besoin qu’on me traduise les débats en langue locale, c’était intéressant de constater une grande liberté de parole. Évidemment, il y avait un décalage entre les générations, mais tout cela était fait avec beaucoup de bonne humeur, de sincérité et de franchise. Cette discussion était animée par les médiateurs du centre en qui les personnes ont toute confiance et il y avait une vingtaine de couples.

J’ai ensuite rencontré une autre association, « Le Jade pour la vie ! » qui gère le même type de structure à l’autre bout de la capitale. Il y avait là aussi un groupe de parole, mais spécifiquement sur la contraception et le port du préservatif avec démonstration par Judith qui s’était équipée d’un grand pénis factice en bois. Là, j’ai rencontré des jeunes filles séropositives de 17-18 ans, qui avaient découvert leur séropositivité 3-4 ans auparavant, qui étaient prises en charge et qui, grâce au centre de santé, pouvaient envisager une vie un peu meilleure. Nous avons eu une discussion sur leur avenir, l’une voulait devenir médecin, l’autre infirmière et on sentait en effet que de par leur maladie, elles étaient très concernées par tout ce qui touchait à la santé. J’en ai profité pour rencontrer également les membres du conseil d’administration de l’association et pour avoir, à leur demande, une discussion sur les possibilités et la manière dont il fallait s’y prendre pour obtenir des gratuités. J’ai essayé de leur donner des conseils sur la manière dont il fallait opérer pour solliciter des conseillers municipaux, des ministres ou autres, des gens qu’ils avaient dans leur carnet d’adresses puisque ce sont souvent des notables, des médecins, des avocats, des gens qui sont bien implantés dans la société civile.

C’est d’ailleurs le but de ce genre de mission, apporter un soutien technique mais aussi vérifier que l’argent est bien dépensé.

Nous sommes ensuite partis, à la campagne, dans la zone autour de Noepé rencontrer la 3ème association, CRIPS Togo, et voir un dépistage dans une zone rurale. Nous avons visité un dispensaire qui concernait un rayon de 50 km, qui quand nous sommes arrivés était d’ailleurs en pleine coupure d’électricité, ce qui nous a permis de nous rendre compte de la précarité du système de santé. Ce dispensaire distribue des médicaments à toutes les personnes séropositives dans un rayon de 50 km. Les gens n’ont pas de moyens de transport, pas de voiture, ils n’ont pas forcément les moyens de se payer un taxi, ils n’ont pas tous une moto, les transports en commun n’existent pas, donc même si les médicaments sont gratuits et accessibles, certains ne viennent pas les chercher parce qu’ils n’ont pas la possibilité de venir, avec toutes les conséquences que cela peut avoir. Le taux de mortalité dans les zones rurales est d’ailleurs beaucoup plus élevé que dans les zones urbaines. Ce même jour, nous en avons profité pour aller dans un village où il y avait une opération de dépistage, de prévention et de sensibilisation auprès des jeunes. Tous les gamins qui passaient faisaient le dépistage. Il y a eu une cinquantaine de dépistages ce jour-là et aucun n’a été positif, ce qui n’est hélas pas souvent le cas.

Ensuite nous avons rencontré l’association EVT (Espoir Vie Togo) et avons visité le chantier de leurs futurs locaux (dont ils seront propriétaires). Nous sommes ensuite allés accompagner une visite à domicile et nous avons rencontré un bénéficiaire de l’association, Prosper, qui a l’air d’un très vieil homme malgré ses 51 ans et qui est abandonné de sa famille, seul dans sa maison parce que séropositif. Depuis le décès de sa femme, son seul contact humain était les gens de l’association qui lui rendaient visite une ou deux fois par semaine et son seul compagnon, c’était son chien. Ca a été un des moments difficiles de cette mission, où l’on se sent impuissants. Car on aide financièrement l’association, on essaie de l’aider techniquement sur comment faire des budgets, sur comment réussir à avancer, mais quand on se retrouve face à Prosper qui est dans une immense détresse humaine, qui est séropositif, qui est exclu, qu’on voit les voisins autour qui sont totalement indifférents, ses enfants qui ne s’en occupent pas, on se sent mal car malgré toute la force de notre engagement, toute la bonne volonté on est obligés de repartir. L’association essaie d’intervenir pour faire de la médiation familiale pour que sa fille et son fils changent leur regard sur lui et acceptent de l’aider.

Aller sur place et observer la réalité du terrain, voir comment ça se passe au delà des clichés, c’est ce que tout le monde aimerait et devrait faire pour prendre conscience des actions nécessaires.

Avant de partir, nous sommes allés visiter une sorte de MJC qui a été montée par l’association AST, que nous avions rencontrée le premier jour, en grande banlieue de Lomé, à Djabglé. C’est un centre qui propose des animations pour les gamins dans un rayon de 30 km. Depuis son ouverture en 2014, le centre a accueilli un millier de jeunes. Ils viennent y faire de la danse, du baby-foot, du ping-pong, voir des films et, de la même manière que Solidays, cela a deux utilités : les occuper, et quand ils sont sur place pour se divertir, les animateurs en profitent pour faire passer des messages de prévention, organiser des groupes de parole autour de la sexualité et de tous les sujets qui les concernent (la contraception, les grossesses précoces…). Le centre propose aussi des consultations médicales ou de planification familiale avec une sage femme. Il faut savoir que certaines gamines sont enceintes très très jeunes, que les premiers rapports sexuels sont à l’âge de 9-10 ans, notamment parce qu’ils n’ont pas d’autres activités à leur disposition pour se divertir.

Qu’est ce que le fait d’être soutenues par le Fonds Solidarité Sida Afrique a changé pour ces associations ?

Toutes ces associations sont dans le circuit des subventions de pas mal d’ONG, mais avec le Fonds Solidarité Sida Afrique, nous avons aujourd’hui créé un lien très fort avec ces partenaires. Ce sont des gens avec qui nous avons mis en place une relation à moyen terme. Certains connaissaient bien Julie car il y a un vrai suivi, les équipes de Solidarité Sida sont très rigoureuses. C’est d’ailleurs le but de ce genre de mission, apporter un soutien technique mais aussi vérifier que l’argent est bien dépensé. Certaines de ces associations, et il y en en aura encore cette année, viennent à Solidays. Il y a donc le sentiment de faire partie d’une équipe et d’être plus que juste subventionnées par une ONG impersonnelle qu’elles ne connaissent pas. Solidarité Sida, avec l’outil qu’est Solidays, leur donne des idées. La preuve, Le Jade pour la Vie ! s’est inspiré de l’expo « Sex In The City » pour créer avec ses petits moyens sa « Tente Sex » autour du 1er décembre. Une initiative qui a été victime de son succès et qui devrait être reconduite en 2016 !

C’était ta première mission au Togo ?

C’était ma première mission en Afrique pour Solidarité Sida. C’était super intéressant et j’espère pouvoir y retourner d’ici la fin de l’année dans un autre pays. Je suis extrêmement demandeur, car il y a quelque chose de très abstrait quand on est à Paris, qu’on participe au conseil d’administration, qu’on fait le Gala du Fonds Afrique, qu’on va à la rencontre des donateurs et autres partenaires, cela reste très conceptuel. Aller sur place et observer la réalité du terrain, voir comment ça se passe au delà des clichés, c’est ce que tout le monde aimerait et devrait faire pour prendre conscience des actions nécessaires.