Devenir bénévole pour Solidarité Sida lui a permis d’apprendre beaucoup sur lui, de s’ouvrir, de changer et de grandir. Parce qu’il a aimé la façon dont Solidarité Sida abordait la prévention en parlant du plaisir avant de parler des risques, il a décidé il y a 6 ans de devenir bénévole Prévention.

Bonjour Thomas, peux-tu te présenter rapidement ?

Je m’appelle Thomas et j’ai 29 ans. Dans la vie, je suis Responsable des études dans une entreprise de création d’espaces verts et je suis bénévole pour Solidarité Sida depuis 2007. J’ai intégré Solidarité Sida grâce à mon meilleur ami qui était bénévole depuis quelques mois. Il m’a dit que c’était super chouette et j’ai un peu suivi le mouvement car je venais d’arriver à Paris. Je ne connaissais pas grand monde et c’était une bonne solution pour rencontrer des gens et donner un peu de mon temps. J’étais étudiant et j’avais donc beaucoup de temps à donner pour la bonne cause. J’ai intégré Solidarité Sida en tant que simple bénévole et quelques années après, j’ai intégré l’équipe Prévention.

Quand tu as décidé d’intégrer Solidarité Sida, la cause te touchait particulièrement ?

La cause me concernait parce que cela touche tout le monde, les jeunes, les vieux, les hétéros, les homos et que c’est mondial. Cela me touchait mais je ne m’y connaissais pas plus que ça. J’aimais le côté associatif et il y avait le côté un peu festif et le bénévolat à la carte qui m’a tout de suite beaucoup plu, le fait de pouvoir venir quand on a du temps. Quand j’avais du temps, je faisais beaucoup d’opérations Rubans Rouges et quand j’avais des examens, j’en faisais moins.

Et comment as-tu décidé de t’orienter vers la Prévention ?

La Prévention a correspondu à l’envie de m’investir beaucoup plus. J’ai découvert l’asso, j’y ai pris beaucoup de plaisir, j’y ai découvert de la bienveillance, du respect, de l’amour et tout ce qu’on s’apporte entre bénévoles. Nous venons tous de milieux très différents, c’est un brassage que je n’avais jamais connu, même dans ma vie professionnelle. Découvrir des gens qui font des métiers aux antipodes les uns des autres et se retrouver autour d’une même cause m’a permis de découvrir des gens complètement différents, d’apprendre beaucoup sur moi-même, de m’ouvrir, de changer et de grandir. Quand j’ai commencé, j’avais 19 ans, j’étais tout jeune et insouciant dans ma sexualité. La première fois que j’ai été visité l’expo Sex In the City à Solidays, je me suis dit : « Si l’on m’avait fait de la prévention comme ça quand j’étais au lycée, je n’aurais pas fait certaines conneries. Je veux faire de la Prév comme ça ! ».

Et donc c’est quoi « faire de la Prévention comme ça » ?

C’est parler de plaisir, parler de soi, avant de parler de prévention. On n’arrive pas en disant : « Tu mets une capote, tu la mets comme ça et c’est comme ça ! », on discute : « Qu’est-ce que tu veux dans ta sexualité ? Qu’est-ce que tu recherches ? Qu’est-ce qui te fait plaisir ? Qu’est-ce que tu aimes ? Qu’est-ce que tu n’aimes pas ? Quel rapport tu as à toi-même et aux autres ? », car quand tu arrives à parler de toutes ces questions-là, parler de préservatifs, de contraception, ça passe tout seul. Quand tu sais qui tu es toi-même dans ta sexualité, tu sais quels plaisirs tu as envie de prendre. Les gens ce qu’ils recherchent c’est de prendre du plaisir et quand tu les fais réfléchir sur ça, leur dire ensuite « Tu peux prendre du plaisir, mais fais attention, le message passe simplement. ». Moi quand j’étais au lycée et qu’on parlait de prévention, je sentais qu’on était vachement jugés. Je trouvais qu’il y avait beaucoup de morale. Nous, nous sommes vraiment dans le non-jugement sur les personnes que nous avons en face de nous et je pense que c’est une de nos grandes qualités. Les gens parlent vraiment de ce dont ils ont envie et c’est cela que j’aime, cette liberté et cette bienveillance.

Cela fait combien d’années que tu es à la Prévention et en quoi cela consiste ?

Cela fera ma 7ème année cette année. Nous faisons beaucoup de choses. Moi, ce que j’aime particulièrement ce sont les actions de prévention en foyers de jeunes travailleurs. Nous faisons ce genre d’actions deux fois par semaine sur l’ensemble de l’année scolaire. Ce sont des actions qui ont lieu le soir, auprès de jeunes entre 18 à 25 ans qui arrivent sur Paris, de pays étrangers ou d’autres régions de France. Ils sont souvent dans leur premier job ou encore dans leurs études et ont leur premier appartement tous seuls. J’aime beaucoup ce public-là car je me retrouve en eux. Quand je suis arrivé à Paris, j’avais leur âge, leur insouciance, je découvrais comme eux tout ce que tu peux faire dans cette merveilleuse ville en termes de sorties, de rencontres… Nous venons deux soirées à un mois d’écart entre les deux soirées. Lors de la première soirée, nous intervenons en mode stand avec des brochures et ils peuvent poser toutes les questions qu’ils veulent. Si quelqu’un veut nous parler seulement de contraception, je ne vais parler que de contraception avec cette personne. Lors de la deuxième soirée, nous organisons un débat sur la sexualité. Nous valorisons leurs connaissances, nous adaptons notre vocabulaire au leur. En tant qu’acteur de prévention, je ne fais pas un cours avec des termes scientifiques, je discute avec eux et quand ils sont en groupe, ils essaient de répondre eux-mêmes à leurs questions. Nous ne les voyons qu’une ou deux fois pour certains, mais même si nous ne les voyons que dix minutes, nous leur donnons quelques infos, une petite piste de réflexion. Nous apportons une petite contribution qui va parfois faire boule de neige dans leurs têtes : ils vont aller faire un test, ils vont en parler à leurs potes… J’ai eu de très bons retours et la bienveillance que tu reçois des gens, c’est toujours super agréable. Tu te sens utile et c’est formidable.

Pour être bénévole Prévention pour Solidarité Sida, tu as suivi toi-même une formation approfondie sur le VIH ?

Quand tu es recruté en tant que bénévole Prévention, tu n’es pas recruté sur tes compétences techniques ou sur le fait que tu sais tout du VIH – à l’heure actuelle, je ne sais d’ailleurs pas tout sur le VIH, il y a des points sur lesquels je peux avoir des doutes même si aujourd’hui il y a beaucoup de choses auxquelles je sais répondre – on te recrute vraiment sur ta personnalité, sur le fait que tu es dans le non-jugement, sur comment tu vas pouvoir interagir avec les gens. Ensuite, on reçoit une formation initiale sur le VIH, mais aussi sur comment mener un entretien, comment tenir un stand, comment parler de contraception. Moi c’est un sujet que je ne connaissais pas du tout. Quand on me parlait de pilule il y a 6 ans, je savais que ça devait se prendre tous les jours, mais je ne savais rien d’autre (Rires). Après, il y a également une formation terrain avec l’idée que c’est en observant que tu apprends, car parler de sexualité avec les gens ce n’est quand même pas très simple puisque c’est un domaine très intime. Quand tu es nouveau et que tu vois les anciens, tu te dis : « Mais comment ils arrivent à parler de ça avec des inconnus ? ». Tu as un peu peur et tu te dis que tu ne vas jamais y arriver. Mais quand tu passes par cette grosse phase d’observation et avec tout le contenu qu’on reçoit lors de notre formation initiale et lors des petites formations mensuelles sur des thèmes d’actualité, comme l’arrivée de la Prep ou des autotests par exemple, tu t’aperçois que tu y arrives et que tu t’améliores grâce à cette formation continue. Je participe également à des maraudes dans Le Marais. Nous intervenons tous les mois avec la démarche du « aller vers » de Solidarité Sida. Le principe est que nous avons des panières avec des préservatifs internes et externes, de la documentation, des gels lubrifiants et que nous allons vers les gens avec notre grand sourire. Et tout se passe très bien.

Et sur Solidays, tu es donc bénévole sur l’exposition Sex In the City ?

Oui, depuis six éditions ! Depuis 6 ans, je vois que certaines choses changent et d’autres non. L’accès à l’information a beaucoup changé, les gens ont donc l’impression d’être informés, sauf qu’il y a beaucoup d’infos sur internet et les comprendre peut très vite se révéler compliqué. L’important reste de parler aux gens d’eux-mêmes et d’arrêter d’être généraliste. Les jeunes, et les gens en général, continuent à avoir besoin de parler d’eux et de ce qu’ils ont vécu. Ils ont besoin d’une prévention personnalisée où on leur présente le préservatif externe, bien sûr, mais où on leur parle également du préservatif interne, de la Prep, de la prévention combinée, du fait qu’une personne séropositive qui est sous traitement va être moins contaminante qu’une personne qui ignore son statut sérologique… Il y a plein d’outils, il est nécessaire que les gens les connaissent. Ce qui a beaucoup changé aussi, c’est qu’on me parle beaucoup plus de l’orgasme. Il est donc important d’expliquer que chaque personne a une façon différente d’avoir un orgasme, qu’il faut se détendre avec l’idée d’ultra-performance et qu’il existe des moments où l’on a le droit ne pas avoir d’envies

 

Tu dirais que toute cette expérience comme bénévole t’a également aidé personnellement ?

C’est évident, surtout dans ma façon de voir la sexualité car nous travaillons également avec un sexologue. Travailler sur la construction de la sexualité, sur le rapport homme/ femme, parler de plaisir, parler d’envies et de désirs… tout cela m’a apporté beaucoup car je me suis aperçu que quand tu es au clair sur ces sujets-là, les autres questions, comme parler de contraception avec ton partenaire, sont beaucoup plus simples. Et tu sais que cette contraception pourra évoluer au cours de ta vie. Je compare souvent la sexualité à la nourriture : il y a beaucoup de choix et c’est à chacun de découvrir ce qu’il aime et d’avoir en tête que ce n’est pas parce que tu vas manger un plat incroyable dans un italien que tu te régaleras autant en prenant le même plat dans un autre italien ! Pour la sexualité, c’est la même chose, tu peux avoir des choses que tu adores avec un partenaire, vouloir reproduire la même chose avec un autre partenaire et ne pas avoir le même ressenti.