Elle est directrice de la Maison d’accueil et d’accompagnement vers l’autonomie pour mineurs isolés étrangers de Créteil (« Miguel Estrella ») de France terre d’asile. Elle fait appel à Solidarité Sida pour réaliser des actions de prévention auprès des jeunes du foyer. Elle nous raconte l’importance de cette collaboration qui permet de libérer la parole des jeunes sur la sexualité.

Bonjour Émilie, pouvez-vous vous présenter rapidement ?

Je suis Émilie Pierard. Je suis directrice d’un établissement qui accueille des mineurs isolés étrangers pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) de Paris depuis octobre 2012. Avant cela, je travaillais à France terre d’asile dans un service de mise à l’abri d’urgence qui accueillait 70 jeunes en hôtel et qui avait également un foyer de 25 jeunes à Paris, des jeunes pris en charge par l’ASE et des jeunes en attente de prise en charge.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l’établissement dans lequel vous travaillez actuellement ?

L’établissement accueille 20 jeunes, âgés de 16 à 18 ans. Ils passent une première année chez nous de préparation à l’entrée en apprentissage. La deuxième année, ils sont orientés vers des centres de formation d’apprentis (CFA). Nous avons une équipe composée de trois chargés d’insertion, d’une formatrice qui leur dispense des cours quotidiennement, de quatre éducateurs, d’un juriste, d’une secrétaire comptable et de moi-même. La première année les jeunes sont en classe pour une mise à niveau en français et dans toutes les matières pour les préparer à l’entrée en CFA. Ils font des stages en entreprise pour définir un projet professionnel et le juriste s’occupe de tout ce qui relève des démarches administratives, auprès des ambassades et des consulats pour établir les passeports des jeunes. Une fois que les jeunes ont défini leur projet professionnel au travers des stages ou des semaines d’immersion en CFA, nous les accompagnons dans la recherche d’un patron en apprentissage pour qu’à la rentrée de septembre ils intègrent un CFA. Les formations en apprentissage leur permettent d’être autonomes assez rapidement, d’obtenir un titre de séjour mention « salarié », de pouvoir sortir du foyer et des dispositifs de l’ASE assez rapidement. Ils sont ensuite orientés vers des résidences de jeunes travailleurs où ils peuvent continuer leur vie de manière autonome.

Comment la collaboration entre votre établissement et Solidarité Sida a-t-elle commencé ?

Avant même que je travaille dans ce foyer-là, je travaillais donc à France terre d’asile dans un autre dispositif. Nous recherchions des intervenants pour faire de la prévention sur la santé et la sexualité pour ces jeunes qui n’avaient pas forcément eu d’éducation à la sexualité et aux IST. J’ai contacté Solidarité Sida et j’ai rencontré Émilie, une Chargée de Prévention de l’association. Elle a tout de suite été très ouverte à ce type d’interventions auprès de ce public. C’est un public qui ne parle pas forcément toujours très bien le français. Elle a été sensible à cela dans ses interventions. Elle utilisait toujours un vocabulaire approprié et elle était d’accord pour qu’un ou une formatrice soit présente pour faire un peu décodeur. Nous ne nous en rendons pas compte mais les mots que nous employons sont parfois difficiles à comprendre. C’est comme cela qu’une fois par an je contacte Solidarité Sida pour réaliser des actions de prévention auprès des mineurs isolés étrangers dans notre foyer.

Une action de prévention par an, c’est peu non ?

Effectivement, c’est peu mais nous avons un groupe de jeunes par an donc c’est suffisant. Quand je travaillais dans le foyer précédent, cela pouvait être plus souvent car il y avait plus d’entrées et de sorties. Quand nous avions un groupe renouvelé de jeunes, nous faisions appel à Solidarité Sida.

Combien de temps dure une action de prévention ?

La durée est assez variable, elle dépend des jeunes, de la façon dont ils reçoivent toutes ces informations. Certains sont plus réceptifs que d’autres. L’action dure donc d’une à deux heures.

Et comment les jeunes accueillent-ils cette action ?

Certains jeunes vont dire qu’ils n’en ont pas besoin parce qu’ils savent tout, d’autres ne vont pas vouloir y aller parce que c’est tabou et d’autres vont être très preneurs, très réceptifs et poser beaucoup de questions. Enfin d’autres vont avoir un comportement enfantin, voire puéril, et rigoler parce qu’ils sont gênés. Pour certains c’est la première fois qu’ils entendent parler de sexualité, qu’ils voient une démonstration de pose d’un préservatif sur un objet en plastique. Cela peut en faire rire certains, mais d’autres prennent cela très au sérieux.

Après cette action de prévention, revenez-vous avec eux sur le sujet ?

Tout à fait. Quand elle travaille la biologie, la formatrice met en place des cours où elle aborde les règles des filles, la sexualité, la reproduction etc.

Le fait d’avoir un intervenant extérieur facilite-t-il ensuite le travail de vos éducateurs pour ré-aborder le sujet ?

Oui car la glace a été brisée. Certains jeunes reviennent vers les éducateurs pour en parler, ils ont pris des préservatifs et en ont sur eux. Cela démystifie, désacralise la sexualité et leur permet d’en parler plus librement.